Jacques Tati vouait une profonde admiration à l’œuvre de Keaton. La réciproque était vraie, Keaton voyait en Tati son héritier. Quand il a découvert « Les vacances de M. Hulot », il a déclaré que c’était le film le plus drôle de son époque. Selon une légende, quand Tati est allé chercher son Oscar à Hollywood pour « Mon oncle », en 1959, il a rencontré Buster Keaton qui lui aurait dit : « J’ai toujours refusé de sonoriser mes films, mais si c’est vous qui le faites, je veux bien ».
A l’occasion de cette rencontre Tati et Keaton sont restés, à leur demande, seuls dans un bureau pendant quatre heures.
Personne n’a assisté à ce qui s’est échangé entre eux. À leur sortie de la salle leurs équipes respectives ont demandé ce qu’ils avaient bien pu faire et se dire pendant tout ce temps. Jacques Tati a répondu : « Nous avons travaillé avec une chaise ».
De cette absence d’images et de récits sur ce moment inouï entre ces deux monstres sacrés du cinéma burlesque du XXe siècle j’imagine ce projet. Cette invitation à Vive le Sujet me semble un contexte parfait pour m’amuser et spéculer ce que ces deux hommes ont trafiqué l’un, l’autre, puis ensemble avec cette simple chaise. Quel geste, quel temps, quel degré d’attention à une inclinaison, un glissement, un détournement pour que le sens d’une relation à un objet aussi simple qu’une chaise sonne comme un poème.
Loïc Touzé
Avec David Marques, Johann Nöhles
Loïc Touzé
Loïc Touzé est danseur, chorégraphe et pédagogue. Il a notamment créé les pièces Morceau, Love, La Chance, Fanfare, Forme Simple, ainsi que le projet Autour de la table avec Anne Kerzehro et le film Dedans ce monde. Il entreprend à partir de 2011 avec Mathieu Bouvier une recherche conséquente autour de la notion de figure, donnant lieu au site pourunatlasdesfigures.net.
Loïc Touzé enseigne régulièrement la danse et la composition en France et dans le monde. Il a codirigé de 2001 à 2006 les Laboratoires d’Aubervilliers avec Yvane Chapuis et François Piron et dirige depuis 2011 Honolulu, lieu de création, de résidence et de transmission à Nantes.
Ce qui préside à l’ensemble de ses activités tient dans la conviction que le geste dansé est une expérience de transformation et d’émancipation.